lundi 23 novembre 2009

NIGHTSHIFT

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Dehors la nuit s’avance
Tu l’apprécierais si tu le pouvais mais les privations t’ont engourdi

Une idée soudaine
Aller dans une gare
Idéal ce sont des endroits où tu peux vagabonder plus ou moins incognito Nombreux sont ceux qui attendent dans les gares

Rôde autour d’eux
Sois près d’eux
Laisse les se frotter à toi
Efforce-toi de faire comme eux
Tout quidam a une endurance limitée face à l’ennui

La première population
La foule de ceux qui rentre chez eux après le travail a quitté la place et la gare est moins peuplée mais plus sinistre qu’auparavant
Tu décides d’aller marcher

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
Si tu t’y donnes à fond marcher réchauffe
Ça t’empêche de fumer tes cigarettes trop vite
Ça adoucit l’ennui
Ça te détourne du tocsin insistant qu’est devenue ta santé
Marcher distrait et émerveille
Marcher donne l’impression que tu vas quelque part
Vers une direction connue de toi seul
Et cela présente aussi un aspect relativement bénéfique
Tu vas avoir ainsi une impression certaine du froid que tu affronteras ce soir
Cette impression est violemment trompeuse
Tu sous-estimes toujours
Tu vas te geler
Même si tu as déjà affronté ce genre de choses auparavant tu auras encore oublié à quel point ce froid-là est terrible et demain tu l’auras encore oublié
C’est un souvenir infect dont personne ne veut
Personne n’aime penser qu’on a été à ça de mourir d’hypothermie la nuit précédente

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Tu respires toujours
Tu soupires profondément soulagé
Bien joué encore
Tu t’en es tiré
Félicitations
Tu es un héros un survivant
Marche
Continue

Café, cigarettes

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Regarde
Les ténèbres ont maintenant recouvert la ville et voici qu’elle déverse sa seconde population
Les épicuriens
Les jouisseurs
Ceux-là sont ta croix

Tu observes quand ils dépensent leur monticule leur montagne de pièces et de billets en boissons
Plats copieux servis par des serveurs hautains
Deux heures de lobotomie collective en technicolor
Déclamations de médiocrités thespiennes par une bande de trous de cul égocentriques

Tu rêves devant le montant des notes de taxi qui pourraient te payer le lit pour la nuit
Tu détailles les gros connards gominés qui dilapident leur peine hebdomadaire pour un rut d’à peine 5 minutes trente avec un vieux sac syphilitiques à l’haleine de porc

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Il te faudrait un endroit vide de toute joie consumériste pour reposer ton esprit
Que dirais-tu d’une gare encore
Tu as l’embarras du choix

UN RIPLEY BOGLE (FRANK) /
Allez petite bombe sexuelle que tu es
Quelqu’un va forcément te brancher
Une bimbo maternante avec un penchant pour le type jeune ouvrier
Pour le type jeune ravagé
Pour le type jeune artiste
Je suis tous les types
Je suis tout
Je suis Ripley Bogle
Ou Bob Dylan

Rêverie

UNe RIPLEY BOGLE (DOROTHEE) /
Je suis les femmes
Je suis les femmes des capitales
Je suis perchées et je suis chics
Je suis belles
Je sens bon
Je suis l’aune de ta disgrâce
Je rie fort sans remarquer ta présence
Contemple-moi
Contemple-nous
De loin
En chien espérant les caresses mais redoutant la claque
Tu regardes nos jambes
Tu penses comme elles doivent être douces
Tu contemples nos lèvres
Tu soupires elles sont si rouges
Tu n’as rien vu
Imagine comme nos seins doivent être fermes et brûlants
Lis-tu tout l’amour que nous portons en nous
Voudrais-tu ta part
C’est normal
Tu nous aimes
Oui
A en crever
Le regard dévorant que tu portes sur nous nous le sentons tu sais
Nous le devinons ce manque en toi
Nous sommes trop pressées pour te voir
Attendues ailleurs
Ne cherche pas notre regard nous ne te verrons pas
Ne nous héle pas nous ne te répondrons pas
Ne nous touche pas ou nous crierons
Reste à ta place
Continuons de nous frôler en silence dans l’invisibilité de la nuit
Suivons chacun nos pas butés qui nous mènent vers des mondes hermétiques
Contente-toi de peupler tes rêves de notre présence

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
It’s in these corpsehours that my thoughts turn to my women
The history girls

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Oh tu es énervé
Normal non
Une des curieuses conséquences de la vie de sans-abri c’est qu’elle te rend terriblement
Terriblement socialiste

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
Marcher réchauffe
Marcher distrait et émerveille
Marcher donne l’impression que tu vas quelque part
Vers une direction connue de toi seul
Même si tu n’as nulle part où aller

LE VRAI FAUX RIPLEY BOGLE (as Internal DJ) /
How does it feel
To be on your own
A complete unknown
With no direction home

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Tu vois les vrais clochards les véritables destitués se limitent à tourner en rond pour se réchauffer ou ne pas devenir fous
Ou ils érigent ces grands cercueils en cartons où ils se glissent pour un sommeil plein d’affliction
Les clodos s’écroulent ou piquent un roupillon aviné devant l’huis d’une pharmacie de High Street
Ils titubent
Ils chutent
Ils s’en foutent
Mais toi
Toi tu restes mobile

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Comme ça les flics te laissent tranquille

UN RIPLEY BOGLE (FRANCK)/
Tu n’arrêtes pas la marche
Au-delà de la souffrance
Tandis que les jambes oublient et que les pieds improvisent
Tu marches
Parce que
Et c’est là le point essentiel du truc

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Tu marches parce que tu as tellement honte
Humiliation
Amertume
Et honte
Tout cela pour toi et plus encore

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Tu mourrais plutôt que de laisser quelqu’un découvrir ça
Now or ever

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
Tu es tombé
Ce sont les aléas du direct

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Et la ville
La ville
Tapie dans la nuit
Divinité urbaine
Noire comme le trépas
Fais-lui allégeance
Vénère
Attends

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