samedi 12 décembre 2009

Pour D.



Updated 6:09 p.m. ET Aug. 14, 2009



How does it feel
How does it feel
To be on your own
With no direction home
Like a complete unknown
Like a rolling stone?

Bob Dylan aux Grammy Awards en 2002.



Rock legend Bob Dylan was treated like a complete unknown by police in a New Jersey shore community when a resident called to report someone wandering around the neighborhood.

“What is your name, sir?” the officer asked.

“Bob Dylan,” Dylan said.

“OK, what are you doing here?” the officer asked.

“I’m on tour,” the singer replied.

Copyright 2009 The Associated Press. All rights reserved. This material may not be published, broadcast, rewritten or redistributed.



Mais que faisait le chanteur de Like A Rolling Stone sous une pluie torrentielle dans les rues d'une ville balnéaire du New Jersey ? Réponse ici.

Le 23 juillet dernier des habitants de Long Branch, ville balnéaire de l'Etat du New Jersey à quelques kilomètres au sud de New York, signalent à la police locale le comportement étrange d'un homme dans leur quartier. Sous une pluie diluvienne, il va et vient dans les rues et pénètre dans le jardin d'une maison à vendre. Arrivée sur les lieux, l'officier de police Kristie Buble, 24 ans, interpelle le curieux personnage et lui demande son nom. Réponse : "Bob Dylan".

La star, 68 ans, a indiqué à la demoiselle qu'il se baladait en ville avant de donner un concert avec Willie Nelson et John Mellencamp. Kristie Buble est restée sceptique. On la comprend. « J'avais vu des photos de Bob Dylan il y a longtemps, et pour moi, il ne lui ressemblait pas du tout », a-t-elle expliqué à la chaîne ABC News. « Il portait un pantalon de jogging noir rentré dans des bottes de pluies noires, et deux imperméables avec la capuche baissée sur le visage ».

Emmené à son hôtel, Bob Dylan a présenté son passeport et prouvé son identité.



THE FEAR


Pris dans un élan de grande cruauté, Internal DJ joue cette chanson sur une vieille sono volée à Nanterre. Il la dédie à l'Insgnifiant.

INTERNAL DJ SAYS (a smile on his face) :
"Oh and I could be a genius if I just put my mind to it
and I, I could do anything if only I could get round to it. "
Pulp, Glory Days


On lutte contre le froid qui s'avance. On prépare notre manifestation de janvier. D'ici là on aura tous entendu parler des morts. D'ici là on aura créé une nouvelle occasion de rencontre. Et de toute manière on n'a pas le choix de faire autrement que de se rencontrer. On n'a plus le temps non plus. On a envie d'y aller (peu importe l'endroit).On s'en fout maintenant. On sait qu'on peut faire ce truc avec rien. Avec zéro aide et pas de lieu de travail fixe. On y va. Avec Dorothé, Abdel, Michel, Etienne, Franck (moins Christophe, parti ailleurs). Avec les gens qui commencent à nous suivre dans cette errance. On fabrique. On tombe. On retisse l'instant. Toujours ensemble. En attendant les autres.

samedi 5 décembre 2009

Imago







"Je suis Triste".
Dixit Dorothée.
27 novembre 2009.
L'Insignifiant a entendu, mais il n'a pas relevé.
L'Insignifiant a ce travail à faire.
Cette forme à bâtir.
L'Insignifiant est dur, il ne fléchit pas.




lundi 23 novembre 2009

NIGHTSHIFT

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Dehors la nuit s’avance
Tu l’apprécierais si tu le pouvais mais les privations t’ont engourdi

Une idée soudaine
Aller dans une gare
Idéal ce sont des endroits où tu peux vagabonder plus ou moins incognito Nombreux sont ceux qui attendent dans les gares

Rôde autour d’eux
Sois près d’eux
Laisse les se frotter à toi
Efforce-toi de faire comme eux
Tout quidam a une endurance limitée face à l’ennui

La première population
La foule de ceux qui rentre chez eux après le travail a quitté la place et la gare est moins peuplée mais plus sinistre qu’auparavant
Tu décides d’aller marcher

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
Si tu t’y donnes à fond marcher réchauffe
Ça t’empêche de fumer tes cigarettes trop vite
Ça adoucit l’ennui
Ça te détourne du tocsin insistant qu’est devenue ta santé
Marcher distrait et émerveille
Marcher donne l’impression que tu vas quelque part
Vers une direction connue de toi seul
Et cela présente aussi un aspect relativement bénéfique
Tu vas avoir ainsi une impression certaine du froid que tu affronteras ce soir
Cette impression est violemment trompeuse
Tu sous-estimes toujours
Tu vas te geler
Même si tu as déjà affronté ce genre de choses auparavant tu auras encore oublié à quel point ce froid-là est terrible et demain tu l’auras encore oublié
C’est un souvenir infect dont personne ne veut
Personne n’aime penser qu’on a été à ça de mourir d’hypothermie la nuit précédente

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Tu respires toujours
Tu soupires profondément soulagé
Bien joué encore
Tu t’en es tiré
Félicitations
Tu es un héros un survivant
Marche
Continue

Café, cigarettes

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Regarde
Les ténèbres ont maintenant recouvert la ville et voici qu’elle déverse sa seconde population
Les épicuriens
Les jouisseurs
Ceux-là sont ta croix

Tu observes quand ils dépensent leur monticule leur montagne de pièces et de billets en boissons
Plats copieux servis par des serveurs hautains
Deux heures de lobotomie collective en technicolor
Déclamations de médiocrités thespiennes par une bande de trous de cul égocentriques

Tu rêves devant le montant des notes de taxi qui pourraient te payer le lit pour la nuit
Tu détailles les gros connards gominés qui dilapident leur peine hebdomadaire pour un rut d’à peine 5 minutes trente avec un vieux sac syphilitiques à l’haleine de porc

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Il te faudrait un endroit vide de toute joie consumériste pour reposer ton esprit
Que dirais-tu d’une gare encore
Tu as l’embarras du choix

UN RIPLEY BOGLE (FRANK) /
Allez petite bombe sexuelle que tu es
Quelqu’un va forcément te brancher
Une bimbo maternante avec un penchant pour le type jeune ouvrier
Pour le type jeune ravagé
Pour le type jeune artiste
Je suis tous les types
Je suis tout
Je suis Ripley Bogle
Ou Bob Dylan

Rêverie

UNe RIPLEY BOGLE (DOROTHEE) /
Je suis les femmes
Je suis les femmes des capitales
Je suis perchées et je suis chics
Je suis belles
Je sens bon
Je suis l’aune de ta disgrâce
Je rie fort sans remarquer ta présence
Contemple-moi
Contemple-nous
De loin
En chien espérant les caresses mais redoutant la claque
Tu regardes nos jambes
Tu penses comme elles doivent être douces
Tu contemples nos lèvres
Tu soupires elles sont si rouges
Tu n’as rien vu
Imagine comme nos seins doivent être fermes et brûlants
Lis-tu tout l’amour que nous portons en nous
Voudrais-tu ta part
C’est normal
Tu nous aimes
Oui
A en crever
Le regard dévorant que tu portes sur nous nous le sentons tu sais
Nous le devinons ce manque en toi
Nous sommes trop pressées pour te voir
Attendues ailleurs
Ne cherche pas notre regard nous ne te verrons pas
Ne nous héle pas nous ne te répondrons pas
Ne nous touche pas ou nous crierons
Reste à ta place
Continuons de nous frôler en silence dans l’invisibilité de la nuit
Suivons chacun nos pas butés qui nous mènent vers des mondes hermétiques
Contente-toi de peupler tes rêves de notre présence

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
It’s in these corpsehours that my thoughts turn to my women
The history girls

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Oh tu es énervé
Normal non
Une des curieuses conséquences de la vie de sans-abri c’est qu’elle te rend terriblement
Terriblement socialiste

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
Marcher réchauffe
Marcher distrait et émerveille
Marcher donne l’impression que tu vas quelque part
Vers une direction connue de toi seul
Même si tu n’as nulle part où aller

LE VRAI FAUX RIPLEY BOGLE (as Internal DJ) /
How does it feel
To be on your own
A complete unknown
With no direction home

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Tu vois les vrais clochards les véritables destitués se limitent à tourner en rond pour se réchauffer ou ne pas devenir fous
Ou ils érigent ces grands cercueils en cartons où ils se glissent pour un sommeil plein d’affliction
Les clodos s’écroulent ou piquent un roupillon aviné devant l’huis d’une pharmacie de High Street
Ils titubent
Ils chutent
Ils s’en foutent
Mais toi
Toi tu restes mobile

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Comme ça les flics te laissent tranquille

UN RIPLEY BOGLE (FRANCK)/
Tu n’arrêtes pas la marche
Au-delà de la souffrance
Tandis que les jambes oublient et que les pieds improvisent
Tu marches
Parce que
Et c’est là le point essentiel du truc

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Tu marches parce que tu as tellement honte
Humiliation
Amertume
Et honte
Tout cela pour toi et plus encore

UN RIPLEY BOGLE (ABDEL) /
Tu mourrais plutôt que de laisser quelqu’un découvrir ça
Now or ever

UN RIPLEY BOGLE (ETIENNE) /
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
gauche droite
Tu es tombé
Ce sont les aléas du direct

UN RIPLEY BOGLE (MICHEL) /
Et la ville
La ville
Tapie dans la nuit
Divinité urbaine
Noire comme le trépas
Fais-lui allégeance
Vénère
Attends

samedi 21 novembre 2009

dimanche 25 octobre 2009

jeudi 22 octobre 2009

Strange fruit

Ce monde est étrange.
Nous avons repris le travail. Pour l'instant, nous en sommes à des expériences, des essais menés en vase-clos dans d'anciens entrepôts en plein coeur de Paris. Dans la ville. Nous commençons à la tombée du jour et nous nous quittons la nuit. Entre-temps, nous manipulons des miroirs, des lumières et nous dansons (enfin, nous danserons demain). La séance finie, je rentre ensuite chez moi. Eux, dans leurs foyers respectifs à Nanterre, Gagny, toujours en banlieue. Et sur notre chemin, nous avons croisé des femmes. Beaucoup de femmes. Des citadines jeunes et moins jeunes, inaccessibles et chics. Je sens que toute cette féminité ne laisse pas insensible mes camarades. Leur émoi, leur enthousiasme, leur galanterie maladroite leur confère une aura juvénile et dramatique. Devant ces "objets de perfection glacée", nous sommes encore plus démunis. Ces regards par-dessous, cette gêne, ce désir violent que la honte fait taire révèlent la distance qui nous sépare d'elles.
Sans doute est-cela le changement le plus notable depuis Gagny. Ca et l'hiver et le froid et la nuit. Pour le coup, nous sommes vraiment dans l'histoire, au plus près de Ripley Bogle et de ses digressions sentimentales.
"It's in these corpsehours that my thougts turn to my women. The history girls. In all my life, you women seemed the gravest priority, each one a spray of godliness, a crutchhole in the shingle. My women, thinking them all out always cheers me up".
Etienne comprend ce dont il est question ici.

dimanche 11 octobre 2009

jeudi 20 août 2009

(im)mobile /// Phase 2 : excavation

http://www.youtube.com/watch?v=vIgpFKOVS0Y&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=N_gEQ9dnnqw&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=c3fvyAl2Tkw&feature=related

Ok.
Je radote.
Cela fait huit ans que je radote.
Avec Ripley Bogle.
Avec les lumières et les miroirs pour Ripley Bogle.
Avec les chiens errants pour Ripley Bogle.
Avec les musiques pour Ripley Bogle.
Seulement, si tu as bien suivi le truc (et peu importe le moment où tu as commencé à le suivre), tu remarqueras qu'il y a d'infimes variations.
Comme dans la musique répétitive, il y a d'infimes variations à chaque répétition.
Ces variations, aussi minimes soient-elles, donnent l'impression d'un mouvement.
Translations infinitésimales d'un point à un autre.
Ce que tu prenais pour un cercle, devient en vérité une flèche.



2.
Excavation
Automne-hiver 2009


Durant les mois de mai et juin derniers, nous avons travaillé sur les balbutiements d’un spectacle s’intitulant (Je suis) Ripley Bogle (pour résumer vite fait le truc : l’histoire sur un sans abri Irlandais errant à Londres à la fin des années 80, l’histoire d’un livre et de ceux qui le lisent ou en entendent parler, l’histoire de rêves de jeunesse, de dépossessions et de vampires).

Au cours de cette quinzaine de séances passées dans ce centre d’accueil de jour pour SDF, six « usagers » de la boutique solidarité de Gagny participant au projet sont peu à peu devenus les acteurs essentiels de la mise en scène que je veux à terme construire. Ensemble, nous avons déjà abouti à une sorte d’introduction de ce qui nous attend.
Voilà, ce que j’écrivais dans le mail destiné à inciter d’autres vivants à découvrir ce début d’histoire :

J’ai rencontré Abdel, Christophe, Dorothée, Etienne, Franck, Michel, à la boutique solidarité de Gagny, voilà bientôt deux mois. Excité par la perspective d'un travail éprouvant et hors du cadre conventionnel sur un texte qui a guidé mon adolescence (ce qu'il en reste), J'ai vu à chaque séance passée à leur côté, se briser mes quelques certitudes de jeune metteur en scène. Ce dialogue, cet apprivoisement, cette douce destruction du savoir-faire et des a priori ont permis d’aborder avec une grande liberté le roman RIPLEY BOGLE de Robert McLiam Wilson. Sur ces ruines ne restent plus désormais que l'envie de parler d'eux, les invisibles, les destitués et de, leur porte-parole fictionnel : Ripley Bogle.

Ce roman narre le quotidien d’un jeune SDF originaire de Belfast errant dans le Londres à la fin des années 80, celui du Thatchérisme et de la trickledown theory. Ce héros de fiction, qui se définit notamment comme un symbole de l’époque, nous avons essayé de le découvrir en inventoriant tout ce qui nous rapprochait de lui. De cette quête d’identité s’est édifiée peu à peu une forme que nous vous présentons aujourd’hui dans ce lieu de vie pour sans-abris dans lequel le spectacle a commencé à se construire. L’espace va être utilisé tel qu’il est au quotidien. Les déplacements des comédiens obéissent également à une circulation marquée par l'habitude. C’est à travers ce quotidien et ces habitudes que la présence de Ripley Bogle ("mon" Ripley Bogle) va se révéler de manière insidieuse. Cette forme courte met en lumière les éléments du drame à venir. Il n’y a aucune volonté didactique, juste la volonté d’opérer une réconciliation, de rendre compte d'une réalité, d'inventer un mystère avant d’entreprendre l’excavation.


Excavation. Christophe m’a fait remarquer la violence du mot. Reste que je m’y accroche, aujourd’hui persuadé que c’est ce dont ce spectacle a besoin pour pouvoir exister.

La deuxième phase de (Je suis) Ripley Bogle consistera donc à creuser. Profond. Comme Ripley Bogle, à Londres, cherchant à t’expliquer comment il en est arrivé là, nous reviendrons sur le passé. Nous devrons extraire ce qu’il reste de notre jeunesse et de ses héros. La méthode de cette recherche ne se veut ni médicale, ni psychanalytique, mais sensible et intuitive. Le but de celle-ci n’est pas d’arriver à un documentaire, mais à un spectacle. En d’autres termes, il n’y aura pas arrachage de confidences, déballage impudique sous menaces ou autres procédés malhonnêtes du genre et d’ailleurs, le corps d’un homme, quasi-immobile, sur un espace appelé scène suffit parfois à suggérer aux spectateurs un nombre infini d’histoires.

La matière à partir de laquelle nous allons travailler cette fois-ci est celle de l’intime. Afin d’en faire quelque chose, on continuera à la modeler grâce à tous les artifices qui permettent le dédoublement (miroir, regard de l’autre, incarnation d’un personnage). Ces artifices permettront aussi bien de distancier les expériences personnelles et de les fictionnaliser que de constituer un vecteur poétique d’affirmation (comme si notre reflet dans le miroir ou dans le regard de l’autre était la preuve la plus sûre de notre existence).

Ces sommes d’expériences vont donc se mélanger, passant d’acteurs en acteurs, à la fois pour créer une parole commune, mais aussi pour brouiller les limites entre la réalité et la fiction, ce qui vient du roman et ce qui vient de nous.

Ce parcours risque d’être long, épuisant et peu sûr (ce genre d’aventure est à la fois une guerre et une épiphanie), c’est pour cela qu’il suivra un canevas narratif volontairement libre et sujet à évolutions ; Cette fausse rigidité permettra de donner une assise solide à cette deuxième phase de recherche. Deux chemins narratifs parallèles et interdépendants seront suivis : celui des aventures de Ripley Bogle telles qu’elles existent dans le roman et celui du personnage de l’Insignifiant, démiurge ayant choisi d’adapter à la scène le roman de sa jeunesse, Ripley Bogle.

Les routes de ces histoires ne cesseront de s’entrecouper puis de se perdre pour mieux se recroiser, chacune étant l’image distraite de l’autre, son écho plus ou moins lointain, plus ou moins perceptible.

vendredi 24 juillet 2009

vendredi 10 juillet 2009

#4

Demain, j'irai à Gagny. Je descendrai la rue de Dunkerque jusqu'à la Gare du Nord. Je n'aurais pas mangé. La fatigue dissipera l'appréhension commune à toutes retrouvailles. Je marcherai jusqu'à cette maison à Gagny et nous recommencerons à dire "Je Suis Ripley Bogle". Chacun à sa manière et toujours ensemble. Parce que cela ne peut pas s'arrêter comme ça et ni Nadia, ni Abdel, ni Christophe, ni Dorothée, ni Etienne, ni Franck, ni Michel, ni tous ceux qui croient à ce projet, ni moi ne le voulons. Même pendant l'été, et malgré la chaleur qui affaiblit les corps, nous continuerons. Car nous n'avons pas le choix. Car maintenant commence l'excavation de tout ce qui nous rattache à Ripley Bogle. Ce sera long et périlleux, mais nous allons creuser. Nous allons creuser, même si j'ai toujours un peu peur (mais de moins en moins, tu sais). Cette peur est aujourd'hui différente de celle qui m'habitait lorsque nous nous sommes rencontrés. Elle ne ressemble plus à celle dont nous avons parlé par le passé. C'est une autre peur. Plus effrayante car plus intime. Elle n'est pas si différente de celle que tu peux éprouver quand tu regardes certaines photos de ce blog. Cette peur, c'est toi. Toi, face à la pauvreté. Toi face aux héros de ton adolescence. Toi face à tout ce que tu tais mais qui s'agite en toi. Cette peur, c'est la raison et le moteur de ce truc. Ce truc, c'est pour toi.

samedi 20 juin 2009

Rendez-vous dès le 3 juillet (tuons l'Insignifiant !)













Dès le 3 juillet, à Gagny, on entrera dans (JE SUIS) RIPLEY BOGLE. Il y aura Michel, Christophe, Abdel, Franck, Dorothée et Etienne. Il y aura aussi le Vrai-Faux Ripley Bogle. Le 3 juillet, ce sera le début de quelque chose. Ce quelque chose naîtra dans une forme spontanée pensée comme une intoduction. Une intro. Comme le début d'un disque de Rap. Le MC se présente et énumère ce qu'il va nous raconter.

L'espace va être utilisé tel qu'il est au quotidien. Les déplacements des comédiens obéissent également à une circulation marquée par l'habitude. C'est à travers ce quotidien, ces habitudes que la présence de Ripley Bogle (mon Ripley Bogle, notre Ripley Bogle) va se révéler insidieusement.
Il n’y a aucune volonté didactique, juste la volonté d’opérer une réconciliation, de rendre compte d'une réalité, d'inventer un mystère avant d’exécuter l'exorcisme.

mardi 9 juin 2009

Pour nos héros


Je suis un héros de mon adolescence laissé quelque part dans une chambre d'enfant, caché sous un lit, épinglé sur un mur.
Rassuré par l'amour d'un frère dans une chambre d'enfant, je suis ce héros de mon adolescence qui ne vieillit pas.
Moi qui ai tout perdu, je suis ce héros qui ne peut pas mourir.

mercredi 20 mai 2009

#3

Christophe parle d'obscurité, de centre de gravité. Il dit : "Batman est un héros double, manipulateur, lâche." Christophe adore Batman, comme d'autres adorent d'autres héros doubles, manipulateurs et lâches. Etienne comprend cette idée d'invisibilité. Il la comprend et l'éprouve surtout. Etienne a vécu à Londres autrefois et garde un souvenir vif de Tower Bridge. Etienne dit toujours : "au parloir" avant de prendre possession de ce qui nous sert de scène. Cet espace arrangé en poussant les tables, en déplaçant les chaises, c'est notre périmètre, là où nous invoquons, tous ensemble, nos fantômes. Abdel demande : "et l'amour ?". On y viendra, mais petit à petit et, peut-être, pas directement. Dorothée a appris par coeur le premier texte et son regard pendant les répétitions donne confiance. Franck se tait. Franck se tait, mais il est là et sa présence est d'une importance primordiale pour l'équilibre de l'ensemble.Francis incrimine tout le monde. Francis accuse. Et Michel dit : "Je n'aime pas". Merde. Il dit encore : "ça m'a fait chier ton truc". J'essaie de me défausser, d'expliquer un peu bêtement que je ne suis pas responsable de ce "truc" et que sa résistance à ce "truc" m'intéresse tout autant que l'adhésion de Christophe au roman. Je mens bien sûr. Ce "truc"a fini par devenir mien. Je cherche seulement avec Christophe, Etienne, Dorothée, Franck, Abdel, Francis, Michel le moyen de m'en séparer pour que de ce déchirement naisse un autre "truc".

dimanche 17 mai 2009

vendredi 15 mai 2009

#2



jeudi 14 mai 2009

AINSI NAQUIT L'INSIGNIFIANT (KICKING A DEAD CORPSE)

Je suis Bogle Ripley.
Je suis Bogle RiplElvis Presley.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre Papin.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar Bergman.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles Baudelaire.

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman Melville.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly Brandt.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Artaud.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto Lindsay.

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille Zola.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl Pacino
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bell
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela Lugosi
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine Zidane
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna Karenine

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Dasz
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel Proust
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick Morrissey

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy Davis
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard Sumner
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de Luca
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim Benzema

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim BenzeMalcolm Lowry
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim BenzeMalcolm LowRipley B
ogle
Je suis Ripley Bogle

lundi 4 mai 2009

(Je suis) Ripley Bogle = Chilinism


“ I try to think like you do
Act like you do
Try to dress like you do
I thought I was you “
The Fall, Chilinist
(face B du 45T The Chiselers /février 1996 / Jet Records)

#1

Je suis Ripley Bogle.
En deux mille deux, deux mille trois, deux mille quatre, deux mille cinq, six, sept, huit
Toujours aujourd’hui, je suis encore Ripley Bogle.
Je suis un personnage toujours né à Belfast à la fin des années soixante
(1960), dans le quartier de Turf Lodge, catholique partie ouest de la ville.
Je suis une enfance passée à lire, à donner et à recevoir des coups, à changer d’écoles. Et puis toujours les Troubles, l’I.R.A., l’U.D.R., le R.U.C., les catholiques contre les protestants, les protestants contre les catholiques et de jeunes soldats britanniques dépassés entre les deux, des voitures en feu, des caillassages en règle, des attentats, des grillages et des murs érigés le long de Falls et Shankill, une méfiance permanente et une connaissance intime des victimes, etc…
Je suis Ripley Bogle
21 ans, bientôt 22 un jour de juin
Et c’est la fin des années quatre-vingt (1980).
Viré de l’université de Cambridge, seul, Je suis Ripley Bogle à Londres.
A l’époque, il y a Margaret Thatcher au pouvoir, elle démonte l’Etat Providence et donne des avantages aux plus riches

Elle est convaincue que les débordements d’opulence générés ainsi irrigueront naturellement les existences les plus pauvres.
La porosité parfaite du corps économique.
C’est cette époque et moi je suis Ripley Bogle qui meurt de faim , de froid, de manque d’amour.
On voit ça jeudi, vendredi, samedi et dimanche, comme attrapé par le col, on chemine ensemble de force de Saint James à
Regent’s Park, de Blackfriars à Victoria’s Embankment, de Soho à Waterloo Station.
Et moi qui suis encore Ripley Bogle.
Moi et mes problèmes d’adaptation, je suis.
Je suis un héros de mon adolescence.
Je suis un héros de mon adolescence qui fume.
Je suis un héros de mon adolescence qui marche.
Je suis un héros de mon adolescence qui demeure immobile dans les parcs.
Je suis un héros de mon adolescence qui pleure la nuit dans une gare.
Je suis un héros de mon adolescence dont le corps craque, s’effrite et se disloque, un corps qui n’a plus aucun respect pour sa jeunesse.
Je suis un héros de mon adolescence qui séduit puis se défile.
Je suis un héros de mon adolescence qui révise l’histoire.
Je suis un héros de mon adolescence qui ment parce que c’est plus simple comme ça.
Je suis un héros de mon adolescence qui aime tomber amoureux et merde un maximum (entre autres, à cause de ça).
Je suis un héros de mon adolescence narcissique et autophage. Je suis un héros de mon adolescence qui t’emmerde, toi, ton aisance et tout ton dix-neuvième siècle à la con.
Je suis un héros de mon adolescence immature et cynique.
Je suis un héros de mon adolescence, et alors ?

samedi 2 mai 2009

MARS 2009 : UN PROBLÈME D’ADAPTATION



GENÈSE D’UN PROJET:
Il est toujours délicat d’adapter un roman, surtout quand il s’agit d’un roman que tu adores. Le fanatisme, la dévotion sont les monstres qui vivent en permanence sous ton bureau, ne demandant qu’à sortir pour t’aveugler et te clouer au lit. Plus tu avances dans l’entreprise, plus tu te rends compte que ces histoires d’adaptation fidèle ne tiennent pas. Ces histoires «d’adaptation fidèle» ne trompent personne. Tu délaisses alors le pinceau fin du copiste appliqué pour la masse, la grenade, la hache. Tu triches, tu biaises, tu rapièces. Tu ravales tes prétentions et prends le truc à rebours. Ça commence en octobre 2005 lors d’une rencontre impromptue avec Robert McLiam Wilson au théâtre national de La Colline. Le contact est alors établi et en 2006 et un accord officiel de l’auteur est obtenu dans la foulée. Tout paraît en place. Aujourd’hui, à force d’explorer le texte, d’analyser sa logique propre pour en tirer le suc dramatique, Ripley Bogle a fini par devenir mon intime et mon maître. Le monstre qui dormait autrefois sous mon bureau a rejoint en silence ma couche (à moins que ce ne soit moi qui l’y ai invité?). Bref, j’ai poussé trop loin le travail, mu sans doute par une ferveur adolescente et des visées de démiurge. Un double est né en moi, une créature monstrueuse née de la conjugaison de mes fantasmagories, de mes angoisses et de celles de Robert McLiam Wilson. Je n’ai plus qu’une vision parcellaire de l’œuvre. Les épisodes émergent d’une géologie mentale selon une logique aléatoire effrayante, mais diablement colorée. Afin de pratiquer un exorcisme efficace, je dois trouver le moyen d’intégrer ce démon. Aboutir à une forme où les narrations s’entrelacent et se confrontent, un moment de jeu où Ripley Bogle rencontre et anéantit son double grotesque. Ce texte est l’expression d’une vision personnelle de l’œuvre de McLiam Wilson mêlée à une volonté d’hygiéniste patenté. Cette sale histoire constitue le point de départ de cette adaptation où il est question de la transposition à la scène d’un roman qui s’appelle Ripley Bogle.
ACTEURS PROFESSIONNELS ET ACTEURS « MIROIRS » OU L’HISTOIRE D’UN NÉCESSAIRE DÉDOUBLEMENT :
Il y a forcément des analogies entre ce qui sera présenté sur scène et une histoire personnelle. Adolescents, nous avons chacun eu besoin de références, de modèles, voire d’idoles que nous nous sommes appropriés à des degrés divers. Ce sont ces choix intimes qui nous ont aidé à appréhender le monde et à tendre, peu à peu, vers une identité propre. Ripley Bogle a tenu ce rôle à un moment de mon existence. J’aurais pu choisir une rockstar morte dans la fleur de l’âge, ou un vieux général bonapartiste héroïque et magnanime, mais je me suis jeté sur un destitué de 21 ans, érotomane, lettré et flagorneur, qui plus est personnage de roman. C’est cette voie que je compte explorer avec les comédiens participant au projet. Car la parole de Ripley Bogle est celle d’un homme qui rend compte de son exclusion, car cette adaptation part aussi d’une réflexion sur la constitution d’une identité propre, car (Je suis) Ripley Bogle est une variation sur la dualité, le travail avec une équipe mêlant acteurs professionnels et individus dont la situation sociale présente des similitudes avec celle du personnage central du spectacle (les acteurs « miroirs »), m’apparaît aujourd’hui comme une nécessité. Dans cette confrontation entre ces deux groupes d’acteurs a priori distincts, il sera d’abord question d’établir un jeu de correspondances entre des expériences individuelles et une narration collective, afin d’enchevêtrer les fils de récits fictionnels et autobiographiques. Le préalable à tout travail de plateau passera par la connaissance du texte qui irrigue toutes les histoires de (Je suis) Ripley Bogle. A partir d’échanges d’impressions sensibles de lecteurs d’un même roman qui exposent les échos qu’une telle œuvre peut avoir dans notre vie et en répertoriant parallèlement les différentes idoles de nos adolescences, nous progresserons ensemble vers la mise en image et le jeu. Se créera ainsi une dramaturgie souple et évolutive qui laisse une place importante à la découverte et à l’improvisation. Le passage à la scène constitue la seconde phase du processus créatif. Celle-ci devra permettre de créer des « couples » entre professionnels et non-professionnels. Ces duos seront des unions incarnant l’assertion « et si… », assertion de tous les possibles romanesques. Dans ces unités bicéphales, l’un est le double de l’autre, son image plus ou moins fidèle, son correspondant. Le couple n’est pas ici perçu comme la simple réalisation d’une complémentarité, mais plutôt comme celle d’une virtualité, d’un autre je. Au milieu de ces duos préconstitués, évoluera le « vrai faux » Ripley Bogle. Comme une présence énigmatique et subliminale, il viendra sur scène troubler la narration, l’enrichir, la dédoubler, l’infiltrer pour mieux la reprendre à son compte. Dans un protocole expérimental, il constitue la variable aléatoire, le hasard, l’erreur. Vêtu d’un costume trop grand pour lui, il arpente le plateau, apparaissant et disparaissant au gré de ses humeurs vagabondes, rejouant des scènes de son histoire, influençant ou observant le cours de la performance. Un peu détail dans le tableau comme l’Icare du peintre Breughel, un peu comme un Tadeusz Kantor démissionnaire et dépassé par ses fantasmagories, il incarnera, à part.
L’IDENTITE NECESSAIREMENT MOUVANTE D’UN HEROS DE FICTION :

Dans le roman, les choses sont simples : Ripley Bogle, né dans un quartier catholique populaire de Belfast ouest au milieu des années soixante connaît une jeunesse chaotique sauvée par la lecture. Parvenant à entrer à Cambridge, il finit par s’en faire virer et se retrouve à Londres où il devient vite sans-abri. Sur quatre journées, il va réviser son histoire, faire revivre les fantômes de son passé nord irlandais et livrer en détail sa vie de jeune clochard. En résumant ainsi le premier roman de Robert McLiam Wilson, on réduit l’œuvre à un synopsis fade et plat. L’intérêt du texte de McLiam Wilson est pourtant immense, tant pour les descriptions quasi-scientifiques des afflictions morales et physiques subies par les exclus de nos sociétés occidentales contemporaines, que pour les excentricités de son narrateur : Ripley Bogle, double romanesque de l’auteur, conteur post-moderne érudit et visionnaire, génie autoproclamé, jeune homme cynique, roublard et faillible, démiurge flamboyant et désespéré, menteur d’habitude, clochard isolé et pur produit des « golden eighties ». Commencer un travail sur ce texte, c’est se poser la question de la représentation de ce héros, de son parcours et de sa condition. Seulement, à partir de quel événement commencer le récit et comment donner chair à ce personnage qui ne vit nécessairement que dans la psyché de chaque lecteur ? Plutôt que de mettre tel quel le roman sur scène - ce qui serait vain et absurde compte tenu de la richesse même de l’objet « roman » et de la spécificité de l’objet « théâtre » - la dramaturgie du spectacle va donc passer par la suggestion, l’allusion, le faux-semblant et les correspondances entre différentes histoires et celles de Robert McLiam Wilson. Romancier des états limite, de l’exploration de la souffrance tant physique que morale, Robert McLiam Wilson donne une part essentielle à l’isolement et la démission dans toute son œuvre. Sans exclure la satire, l’humour et un sens du délire typiquement irlandais, il tire de ces thématiques le sang et les nerfs de ses personnages. Le personnage de Ripley Bogle en est la personnification emblématique. À partir de l’histoire de ce héros, viendront se greffer différentes histoires illustrant un aspect de l’œuvre d’origine suivant une brèche ouverte entre réalité et fiction. (Je suis) Ripley Bogle tendra à imager une réflexion sur les mécanismes d’identification et les choix permettant à un homme de s’édifier. C’est une sorte de démonstration par l’absurde qui permet de générer une autre voix, une consolation possible et une issue à un problème aigu d’adaptation.
FEODOR, KERMIT ET STRATÉGIES D’ÉVITEMENT :
L’esthétique générale du projet est celle d’une incursion de Dostoïevski au Muppet Show. Au milieu d’un dispositif scénique en apparence dépouillé mais parsemé de chausse-trappes, de « pop-up » et de miroirs, surgiront par flashes Ripley Bogle et toutes les histoires qui se rapportent à lui. Dans cet espace mental, bouleversé et schizophrène, il s’agira de révéler par des artifices simples, voire simplistes, l’enfoui, le dissimulé, ce que nous nous refusons de voir, mais aussi ce que nous cachons. Les coursives, les passerelles, les coulisses seront utilisées aussi bien que le plateau lui-même. L’emploi de la vidéo servira autant de révélateur de ce qui se déroule simultanément sur le plateau et dans son voisinage que de moyen de dédoubler, confondre, troubler la narration. On donnera ainsi à voir un reflet du réel, pas le réel, la symétrie d’une image, pas l’image d’origine. Restera alors une vision brouillée, perturbée de ce qui se joue sur scène, une reproduction peu sûre, l’imitation d’une vérité. Ainsi, nous avancerons dans l’histoire de cette quête d’identité et de ses péripéties avec ce jeu de doubles vivant une expérience similaire à celle du héros Ripley Bogle. Jouant sur la collusion entre l’expression de psychés et une réalité crue, le lieu de la représentation se doit d’être un endroit clos.

It begins...


Un blog comme un relevé plus ou moins régulier du travail en cours. Pas d'autres prétentions que ça. Pas d'autres prétentions que celles de documenter par différents moyens l'état d'avancement d'une adaptation du roman RIPLEY BOGLE de Robert Mcliam Wilson.
Ce projet s'appelle (Je suis) Ripley Bogle.

Il a commencé à Gagny, ce samedi. Il a commencé avec Abdel, Christophe, Etienne, Francis, Franck, Michel, en attendant les autres.

Merci à la fondation Abbé Pierre,
à Patrick et, surtout, à Nadia, à Yves.