mercredi 20 mai 2009

#3

Christophe parle d'obscurité, de centre de gravité. Il dit : "Batman est un héros double, manipulateur, lâche." Christophe adore Batman, comme d'autres adorent d'autres héros doubles, manipulateurs et lâches. Etienne comprend cette idée d'invisibilité. Il la comprend et l'éprouve surtout. Etienne a vécu à Londres autrefois et garde un souvenir vif de Tower Bridge. Etienne dit toujours : "au parloir" avant de prendre possession de ce qui nous sert de scène. Cet espace arrangé en poussant les tables, en déplaçant les chaises, c'est notre périmètre, là où nous invoquons, tous ensemble, nos fantômes. Abdel demande : "et l'amour ?". On y viendra, mais petit à petit et, peut-être, pas directement. Dorothée a appris par coeur le premier texte et son regard pendant les répétitions donne confiance. Franck se tait. Franck se tait, mais il est là et sa présence est d'une importance primordiale pour l'équilibre de l'ensemble.Francis incrimine tout le monde. Francis accuse. Et Michel dit : "Je n'aime pas". Merde. Il dit encore : "ça m'a fait chier ton truc". J'essaie de me défausser, d'expliquer un peu bêtement que je ne suis pas responsable de ce "truc" et que sa résistance à ce "truc" m'intéresse tout autant que l'adhésion de Christophe au roman. Je mens bien sûr. Ce "truc"a fini par devenir mien. Je cherche seulement avec Christophe, Etienne, Dorothée, Franck, Abdel, Francis, Michel le moyen de m'en séparer pour que de ce déchirement naisse un autre "truc".

dimanche 17 mai 2009

vendredi 15 mai 2009

#2



jeudi 14 mai 2009

AINSI NAQUIT L'INSIGNIFIANT (KICKING A DEAD CORPSE)

Je suis Bogle Ripley.
Je suis Bogle RiplElvis Presley.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre Papin.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar Bergman.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles Baudelaire.

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman Melville.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly Brandt.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Artaud.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto Lindsay.

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille Zola.
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl Pacino
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bell
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela Lugosi
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine Zidane
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna Karenine

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Dasz
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel Proust
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick Morrissey

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy Davis
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard Sumner
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de Luca
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim Benzema

Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim BenzeMalcolm Lowry
Je suis Bogle RiplElvis PresLéaud Jean-Pierre PapIngmar BergMan Ray Charles BaudelHerman MelWilly BrAntonin Arto LindCécile B. DeMille ZolAl PaciNorma Jean Bela LugoZinedine ZidAnna KareNina Hagen Daszsaut Marcel ProuSteven Patrick MorrisSammy DavIsiah Thomas Bernhard SumnEri de LuKarim BenzeMalcolm LowRipley B
ogle
Je suis Ripley Bogle

lundi 4 mai 2009

(Je suis) Ripley Bogle = Chilinism


“ I try to think like you do
Act like you do
Try to dress like you do
I thought I was you “
The Fall, Chilinist
(face B du 45T The Chiselers /février 1996 / Jet Records)

#1

Je suis Ripley Bogle.
En deux mille deux, deux mille trois, deux mille quatre, deux mille cinq, six, sept, huit
Toujours aujourd’hui, je suis encore Ripley Bogle.
Je suis un personnage toujours né à Belfast à la fin des années soixante
(1960), dans le quartier de Turf Lodge, catholique partie ouest de la ville.
Je suis une enfance passée à lire, à donner et à recevoir des coups, à changer d’écoles. Et puis toujours les Troubles, l’I.R.A., l’U.D.R., le R.U.C., les catholiques contre les protestants, les protestants contre les catholiques et de jeunes soldats britanniques dépassés entre les deux, des voitures en feu, des caillassages en règle, des attentats, des grillages et des murs érigés le long de Falls et Shankill, une méfiance permanente et une connaissance intime des victimes, etc…
Je suis Ripley Bogle
21 ans, bientôt 22 un jour de juin
Et c’est la fin des années quatre-vingt (1980).
Viré de l’université de Cambridge, seul, Je suis Ripley Bogle à Londres.
A l’époque, il y a Margaret Thatcher au pouvoir, elle démonte l’Etat Providence et donne des avantages aux plus riches

Elle est convaincue que les débordements d’opulence générés ainsi irrigueront naturellement les existences les plus pauvres.
La porosité parfaite du corps économique.
C’est cette époque et moi je suis Ripley Bogle qui meurt de faim , de froid, de manque d’amour.
On voit ça jeudi, vendredi, samedi et dimanche, comme attrapé par le col, on chemine ensemble de force de Saint James à
Regent’s Park, de Blackfriars à Victoria’s Embankment, de Soho à Waterloo Station.
Et moi qui suis encore Ripley Bogle.
Moi et mes problèmes d’adaptation, je suis.
Je suis un héros de mon adolescence.
Je suis un héros de mon adolescence qui fume.
Je suis un héros de mon adolescence qui marche.
Je suis un héros de mon adolescence qui demeure immobile dans les parcs.
Je suis un héros de mon adolescence qui pleure la nuit dans une gare.
Je suis un héros de mon adolescence dont le corps craque, s’effrite et se disloque, un corps qui n’a plus aucun respect pour sa jeunesse.
Je suis un héros de mon adolescence qui séduit puis se défile.
Je suis un héros de mon adolescence qui révise l’histoire.
Je suis un héros de mon adolescence qui ment parce que c’est plus simple comme ça.
Je suis un héros de mon adolescence qui aime tomber amoureux et merde un maximum (entre autres, à cause de ça).
Je suis un héros de mon adolescence narcissique et autophage. Je suis un héros de mon adolescence qui t’emmerde, toi, ton aisance et tout ton dix-neuvième siècle à la con.
Je suis un héros de mon adolescence immature et cynique.
Je suis un héros de mon adolescence, et alors ?

samedi 2 mai 2009

MARS 2009 : UN PROBLÈME D’ADAPTATION



GENÈSE D’UN PROJET:
Il est toujours délicat d’adapter un roman, surtout quand il s’agit d’un roman que tu adores. Le fanatisme, la dévotion sont les monstres qui vivent en permanence sous ton bureau, ne demandant qu’à sortir pour t’aveugler et te clouer au lit. Plus tu avances dans l’entreprise, plus tu te rends compte que ces histoires d’adaptation fidèle ne tiennent pas. Ces histoires «d’adaptation fidèle» ne trompent personne. Tu délaisses alors le pinceau fin du copiste appliqué pour la masse, la grenade, la hache. Tu triches, tu biaises, tu rapièces. Tu ravales tes prétentions et prends le truc à rebours. Ça commence en octobre 2005 lors d’une rencontre impromptue avec Robert McLiam Wilson au théâtre national de La Colline. Le contact est alors établi et en 2006 et un accord officiel de l’auteur est obtenu dans la foulée. Tout paraît en place. Aujourd’hui, à force d’explorer le texte, d’analyser sa logique propre pour en tirer le suc dramatique, Ripley Bogle a fini par devenir mon intime et mon maître. Le monstre qui dormait autrefois sous mon bureau a rejoint en silence ma couche (à moins que ce ne soit moi qui l’y ai invité?). Bref, j’ai poussé trop loin le travail, mu sans doute par une ferveur adolescente et des visées de démiurge. Un double est né en moi, une créature monstrueuse née de la conjugaison de mes fantasmagories, de mes angoisses et de celles de Robert McLiam Wilson. Je n’ai plus qu’une vision parcellaire de l’œuvre. Les épisodes émergent d’une géologie mentale selon une logique aléatoire effrayante, mais diablement colorée. Afin de pratiquer un exorcisme efficace, je dois trouver le moyen d’intégrer ce démon. Aboutir à une forme où les narrations s’entrelacent et se confrontent, un moment de jeu où Ripley Bogle rencontre et anéantit son double grotesque. Ce texte est l’expression d’une vision personnelle de l’œuvre de McLiam Wilson mêlée à une volonté d’hygiéniste patenté. Cette sale histoire constitue le point de départ de cette adaptation où il est question de la transposition à la scène d’un roman qui s’appelle Ripley Bogle.
ACTEURS PROFESSIONNELS ET ACTEURS « MIROIRS » OU L’HISTOIRE D’UN NÉCESSAIRE DÉDOUBLEMENT :
Il y a forcément des analogies entre ce qui sera présenté sur scène et une histoire personnelle. Adolescents, nous avons chacun eu besoin de références, de modèles, voire d’idoles que nous nous sommes appropriés à des degrés divers. Ce sont ces choix intimes qui nous ont aidé à appréhender le monde et à tendre, peu à peu, vers une identité propre. Ripley Bogle a tenu ce rôle à un moment de mon existence. J’aurais pu choisir une rockstar morte dans la fleur de l’âge, ou un vieux général bonapartiste héroïque et magnanime, mais je me suis jeté sur un destitué de 21 ans, érotomane, lettré et flagorneur, qui plus est personnage de roman. C’est cette voie que je compte explorer avec les comédiens participant au projet. Car la parole de Ripley Bogle est celle d’un homme qui rend compte de son exclusion, car cette adaptation part aussi d’une réflexion sur la constitution d’une identité propre, car (Je suis) Ripley Bogle est une variation sur la dualité, le travail avec une équipe mêlant acteurs professionnels et individus dont la situation sociale présente des similitudes avec celle du personnage central du spectacle (les acteurs « miroirs »), m’apparaît aujourd’hui comme une nécessité. Dans cette confrontation entre ces deux groupes d’acteurs a priori distincts, il sera d’abord question d’établir un jeu de correspondances entre des expériences individuelles et une narration collective, afin d’enchevêtrer les fils de récits fictionnels et autobiographiques. Le préalable à tout travail de plateau passera par la connaissance du texte qui irrigue toutes les histoires de (Je suis) Ripley Bogle. A partir d’échanges d’impressions sensibles de lecteurs d’un même roman qui exposent les échos qu’une telle œuvre peut avoir dans notre vie et en répertoriant parallèlement les différentes idoles de nos adolescences, nous progresserons ensemble vers la mise en image et le jeu. Se créera ainsi une dramaturgie souple et évolutive qui laisse une place importante à la découverte et à l’improvisation. Le passage à la scène constitue la seconde phase du processus créatif. Celle-ci devra permettre de créer des « couples » entre professionnels et non-professionnels. Ces duos seront des unions incarnant l’assertion « et si… », assertion de tous les possibles romanesques. Dans ces unités bicéphales, l’un est le double de l’autre, son image plus ou moins fidèle, son correspondant. Le couple n’est pas ici perçu comme la simple réalisation d’une complémentarité, mais plutôt comme celle d’une virtualité, d’un autre je. Au milieu de ces duos préconstitués, évoluera le « vrai faux » Ripley Bogle. Comme une présence énigmatique et subliminale, il viendra sur scène troubler la narration, l’enrichir, la dédoubler, l’infiltrer pour mieux la reprendre à son compte. Dans un protocole expérimental, il constitue la variable aléatoire, le hasard, l’erreur. Vêtu d’un costume trop grand pour lui, il arpente le plateau, apparaissant et disparaissant au gré de ses humeurs vagabondes, rejouant des scènes de son histoire, influençant ou observant le cours de la performance. Un peu détail dans le tableau comme l’Icare du peintre Breughel, un peu comme un Tadeusz Kantor démissionnaire et dépassé par ses fantasmagories, il incarnera, à part.
L’IDENTITE NECESSAIREMENT MOUVANTE D’UN HEROS DE FICTION :

Dans le roman, les choses sont simples : Ripley Bogle, né dans un quartier catholique populaire de Belfast ouest au milieu des années soixante connaît une jeunesse chaotique sauvée par la lecture. Parvenant à entrer à Cambridge, il finit par s’en faire virer et se retrouve à Londres où il devient vite sans-abri. Sur quatre journées, il va réviser son histoire, faire revivre les fantômes de son passé nord irlandais et livrer en détail sa vie de jeune clochard. En résumant ainsi le premier roman de Robert McLiam Wilson, on réduit l’œuvre à un synopsis fade et plat. L’intérêt du texte de McLiam Wilson est pourtant immense, tant pour les descriptions quasi-scientifiques des afflictions morales et physiques subies par les exclus de nos sociétés occidentales contemporaines, que pour les excentricités de son narrateur : Ripley Bogle, double romanesque de l’auteur, conteur post-moderne érudit et visionnaire, génie autoproclamé, jeune homme cynique, roublard et faillible, démiurge flamboyant et désespéré, menteur d’habitude, clochard isolé et pur produit des « golden eighties ». Commencer un travail sur ce texte, c’est se poser la question de la représentation de ce héros, de son parcours et de sa condition. Seulement, à partir de quel événement commencer le récit et comment donner chair à ce personnage qui ne vit nécessairement que dans la psyché de chaque lecteur ? Plutôt que de mettre tel quel le roman sur scène - ce qui serait vain et absurde compte tenu de la richesse même de l’objet « roman » et de la spécificité de l’objet « théâtre » - la dramaturgie du spectacle va donc passer par la suggestion, l’allusion, le faux-semblant et les correspondances entre différentes histoires et celles de Robert McLiam Wilson. Romancier des états limite, de l’exploration de la souffrance tant physique que morale, Robert McLiam Wilson donne une part essentielle à l’isolement et la démission dans toute son œuvre. Sans exclure la satire, l’humour et un sens du délire typiquement irlandais, il tire de ces thématiques le sang et les nerfs de ses personnages. Le personnage de Ripley Bogle en est la personnification emblématique. À partir de l’histoire de ce héros, viendront se greffer différentes histoires illustrant un aspect de l’œuvre d’origine suivant une brèche ouverte entre réalité et fiction. (Je suis) Ripley Bogle tendra à imager une réflexion sur les mécanismes d’identification et les choix permettant à un homme de s’édifier. C’est une sorte de démonstration par l’absurde qui permet de générer une autre voix, une consolation possible et une issue à un problème aigu d’adaptation.
FEODOR, KERMIT ET STRATÉGIES D’ÉVITEMENT :
L’esthétique générale du projet est celle d’une incursion de Dostoïevski au Muppet Show. Au milieu d’un dispositif scénique en apparence dépouillé mais parsemé de chausse-trappes, de « pop-up » et de miroirs, surgiront par flashes Ripley Bogle et toutes les histoires qui se rapportent à lui. Dans cet espace mental, bouleversé et schizophrène, il s’agira de révéler par des artifices simples, voire simplistes, l’enfoui, le dissimulé, ce que nous nous refusons de voir, mais aussi ce que nous cachons. Les coursives, les passerelles, les coulisses seront utilisées aussi bien que le plateau lui-même. L’emploi de la vidéo servira autant de révélateur de ce qui se déroule simultanément sur le plateau et dans son voisinage que de moyen de dédoubler, confondre, troubler la narration. On donnera ainsi à voir un reflet du réel, pas le réel, la symétrie d’une image, pas l’image d’origine. Restera alors une vision brouillée, perturbée de ce qui se joue sur scène, une reproduction peu sûre, l’imitation d’une vérité. Ainsi, nous avancerons dans l’histoire de cette quête d’identité et de ses péripéties avec ce jeu de doubles vivant une expérience similaire à celle du héros Ripley Bogle. Jouant sur la collusion entre l’expression de psychés et une réalité crue, le lieu de la représentation se doit d’être un endroit clos.

It begins...


Un blog comme un relevé plus ou moins régulier du travail en cours. Pas d'autres prétentions que ça. Pas d'autres prétentions que celles de documenter par différents moyens l'état d'avancement d'une adaptation du roman RIPLEY BOGLE de Robert Mcliam Wilson.
Ce projet s'appelle (Je suis) Ripley Bogle.

Il a commencé à Gagny, ce samedi. Il a commencé avec Abdel, Christophe, Etienne, Francis, Franck, Michel, en attendant les autres.

Merci à la fondation Abbé Pierre,
à Patrick et, surtout, à Nadia, à Yves.