jeudi 20 août 2009

(im)mobile /// Phase 2 : excavation

http://www.youtube.com/watch?v=vIgpFKOVS0Y&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=N_gEQ9dnnqw&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=c3fvyAl2Tkw&feature=related

Ok.
Je radote.
Cela fait huit ans que je radote.
Avec Ripley Bogle.
Avec les lumières et les miroirs pour Ripley Bogle.
Avec les chiens errants pour Ripley Bogle.
Avec les musiques pour Ripley Bogle.
Seulement, si tu as bien suivi le truc (et peu importe le moment où tu as commencé à le suivre), tu remarqueras qu'il y a d'infimes variations.
Comme dans la musique répétitive, il y a d'infimes variations à chaque répétition.
Ces variations, aussi minimes soient-elles, donnent l'impression d'un mouvement.
Translations infinitésimales d'un point à un autre.
Ce que tu prenais pour un cercle, devient en vérité une flèche.



2.
Excavation
Automne-hiver 2009


Durant les mois de mai et juin derniers, nous avons travaillé sur les balbutiements d’un spectacle s’intitulant (Je suis) Ripley Bogle (pour résumer vite fait le truc : l’histoire sur un sans abri Irlandais errant à Londres à la fin des années 80, l’histoire d’un livre et de ceux qui le lisent ou en entendent parler, l’histoire de rêves de jeunesse, de dépossessions et de vampires).

Au cours de cette quinzaine de séances passées dans ce centre d’accueil de jour pour SDF, six « usagers » de la boutique solidarité de Gagny participant au projet sont peu à peu devenus les acteurs essentiels de la mise en scène que je veux à terme construire. Ensemble, nous avons déjà abouti à une sorte d’introduction de ce qui nous attend.
Voilà, ce que j’écrivais dans le mail destiné à inciter d’autres vivants à découvrir ce début d’histoire :

J’ai rencontré Abdel, Christophe, Dorothée, Etienne, Franck, Michel, à la boutique solidarité de Gagny, voilà bientôt deux mois. Excité par la perspective d'un travail éprouvant et hors du cadre conventionnel sur un texte qui a guidé mon adolescence (ce qu'il en reste), J'ai vu à chaque séance passée à leur côté, se briser mes quelques certitudes de jeune metteur en scène. Ce dialogue, cet apprivoisement, cette douce destruction du savoir-faire et des a priori ont permis d’aborder avec une grande liberté le roman RIPLEY BOGLE de Robert McLiam Wilson. Sur ces ruines ne restent plus désormais que l'envie de parler d'eux, les invisibles, les destitués et de, leur porte-parole fictionnel : Ripley Bogle.

Ce roman narre le quotidien d’un jeune SDF originaire de Belfast errant dans le Londres à la fin des années 80, celui du Thatchérisme et de la trickledown theory. Ce héros de fiction, qui se définit notamment comme un symbole de l’époque, nous avons essayé de le découvrir en inventoriant tout ce qui nous rapprochait de lui. De cette quête d’identité s’est édifiée peu à peu une forme que nous vous présentons aujourd’hui dans ce lieu de vie pour sans-abris dans lequel le spectacle a commencé à se construire. L’espace va être utilisé tel qu’il est au quotidien. Les déplacements des comédiens obéissent également à une circulation marquée par l'habitude. C’est à travers ce quotidien et ces habitudes que la présence de Ripley Bogle ("mon" Ripley Bogle) va se révéler de manière insidieuse. Cette forme courte met en lumière les éléments du drame à venir. Il n’y a aucune volonté didactique, juste la volonté d’opérer une réconciliation, de rendre compte d'une réalité, d'inventer un mystère avant d’entreprendre l’excavation.


Excavation. Christophe m’a fait remarquer la violence du mot. Reste que je m’y accroche, aujourd’hui persuadé que c’est ce dont ce spectacle a besoin pour pouvoir exister.

La deuxième phase de (Je suis) Ripley Bogle consistera donc à creuser. Profond. Comme Ripley Bogle, à Londres, cherchant à t’expliquer comment il en est arrivé là, nous reviendrons sur le passé. Nous devrons extraire ce qu’il reste de notre jeunesse et de ses héros. La méthode de cette recherche ne se veut ni médicale, ni psychanalytique, mais sensible et intuitive. Le but de celle-ci n’est pas d’arriver à un documentaire, mais à un spectacle. En d’autres termes, il n’y aura pas arrachage de confidences, déballage impudique sous menaces ou autres procédés malhonnêtes du genre et d’ailleurs, le corps d’un homme, quasi-immobile, sur un espace appelé scène suffit parfois à suggérer aux spectateurs un nombre infini d’histoires.

La matière à partir de laquelle nous allons travailler cette fois-ci est celle de l’intime. Afin d’en faire quelque chose, on continuera à la modeler grâce à tous les artifices qui permettent le dédoublement (miroir, regard de l’autre, incarnation d’un personnage). Ces artifices permettront aussi bien de distancier les expériences personnelles et de les fictionnaliser que de constituer un vecteur poétique d’affirmation (comme si notre reflet dans le miroir ou dans le regard de l’autre était la preuve la plus sûre de notre existence).

Ces sommes d’expériences vont donc se mélanger, passant d’acteurs en acteurs, à la fois pour créer une parole commune, mais aussi pour brouiller les limites entre la réalité et la fiction, ce qui vient du roman et ce qui vient de nous.

Ce parcours risque d’être long, épuisant et peu sûr (ce genre d’aventure est à la fois une guerre et une épiphanie), c’est pour cela qu’il suivra un canevas narratif volontairement libre et sujet à évolutions ; Cette fausse rigidité permettra de donner une assise solide à cette deuxième phase de recherche. Deux chemins narratifs parallèles et interdépendants seront suivis : celui des aventures de Ripley Bogle telles qu’elles existent dans le roman et celui du personnage de l’Insignifiant, démiurge ayant choisi d’adapter à la scène le roman de sa jeunesse, Ripley Bogle.

Les routes de ces histoires ne cesseront de s’entrecouper puis de se perdre pour mieux se recroiser, chacune étant l’image distraite de l’autre, son écho plus ou moins lointain, plus ou moins perceptible.