lundi 4 mai 2009

#1

Je suis Ripley Bogle.
En deux mille deux, deux mille trois, deux mille quatre, deux mille cinq, six, sept, huit
Toujours aujourd’hui, je suis encore Ripley Bogle.
Je suis un personnage toujours né à Belfast à la fin des années soixante
(1960), dans le quartier de Turf Lodge, catholique partie ouest de la ville.
Je suis une enfance passée à lire, à donner et à recevoir des coups, à changer d’écoles. Et puis toujours les Troubles, l’I.R.A., l’U.D.R., le R.U.C., les catholiques contre les protestants, les protestants contre les catholiques et de jeunes soldats britanniques dépassés entre les deux, des voitures en feu, des caillassages en règle, des attentats, des grillages et des murs érigés le long de Falls et Shankill, une méfiance permanente et une connaissance intime des victimes, etc…
Je suis Ripley Bogle
21 ans, bientôt 22 un jour de juin
Et c’est la fin des années quatre-vingt (1980).
Viré de l’université de Cambridge, seul, Je suis Ripley Bogle à Londres.
A l’époque, il y a Margaret Thatcher au pouvoir, elle démonte l’Etat Providence et donne des avantages aux plus riches

Elle est convaincue que les débordements d’opulence générés ainsi irrigueront naturellement les existences les plus pauvres.
La porosité parfaite du corps économique.
C’est cette époque et moi je suis Ripley Bogle qui meurt de faim , de froid, de manque d’amour.
On voit ça jeudi, vendredi, samedi et dimanche, comme attrapé par le col, on chemine ensemble de force de Saint James à
Regent’s Park, de Blackfriars à Victoria’s Embankment, de Soho à Waterloo Station.
Et moi qui suis encore Ripley Bogle.
Moi et mes problèmes d’adaptation, je suis.
Je suis un héros de mon adolescence.
Je suis un héros de mon adolescence qui fume.
Je suis un héros de mon adolescence qui marche.
Je suis un héros de mon adolescence qui demeure immobile dans les parcs.
Je suis un héros de mon adolescence qui pleure la nuit dans une gare.
Je suis un héros de mon adolescence dont le corps craque, s’effrite et se disloque, un corps qui n’a plus aucun respect pour sa jeunesse.
Je suis un héros de mon adolescence qui séduit puis se défile.
Je suis un héros de mon adolescence qui révise l’histoire.
Je suis un héros de mon adolescence qui ment parce que c’est plus simple comme ça.
Je suis un héros de mon adolescence qui aime tomber amoureux et merde un maximum (entre autres, à cause de ça).
Je suis un héros de mon adolescence narcissique et autophage. Je suis un héros de mon adolescence qui t’emmerde, toi, ton aisance et tout ton dix-neuvième siècle à la con.
Je suis un héros de mon adolescence immature et cynique.
Je suis un héros de mon adolescence, et alors ?

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